Qui est Blanc ? Qui est Noir ?

Qui est Blanc ? Qui est Noir ?

Drôle de question n’est-ce pas ?

L’actualité de ces derniers jours avec la mort de George Floyd aux Etats-Unis a remis au devant de la scène la thématique du racisme. Les bavures policières sont encore trop nombreuses là-bas et ici aussi en France même si on ne veut pas se l’avouer.

L’émotion grandi, les thématiques s’entrechoquent. On pense à l’Histoire : esclavage et colonisation, néo-colonisation. Aux inégalités, préjugés et discriminations avec lesquelles nous n’avons pas encore fini.

Noirs, Blancs, Asiatiques, Maghrébins sont des catégories que l’on utilise comme si ça allait de soi. Alors que non.

Revenons à la base : Qui est Noir ? Qui est Blanc ?

Mais d’abord…

Qu’est-ce que le racisme ?

Le racisme est une idéologie basée sur deux postulats :

  • Les races sont biologiques : il y aurait des différences fondamentales et essentielles entre les êtres humains qui nous permettraient de les catégoriser en différentes races. Les Blancs (les Européens), les Noirs (Les Africains), les Jaunes (les Asiatiques) et les Rouges (les Amérindiens).
  • Les races sont hiérarchisées : il y aurait un ordre entre ces « races » où les Blancs sont placés en haut de l’échelle (ils sont plus beaux et plus intelligents), les Noirs sont tout en bas de l’échelle (plus moches, moins intelligents et autres considérations négatives). Et au milieu, les autres.

Cette idéologie raciste influence la manière de penser et d’interagir les uns avec les autres. Les races n’existent pas. Ce sont des croyances fabriquées de toutes pièces à l’aide d’arguments scientifiques douteux.

Est raciste quelqu’un qui croit que les Blancs sont supérieurs aux autres. Ainsi, le « racisme anti-blancs » n’existe pas. Ce qui ne veut pas dire que la haine des Blancs n’existe pas et que les Blancs ne subissent pas d’injustices en raison de leur couleur de peau. Cela signifie juste que ce concept de « racisme anti-Blancs » est un non-sens.

Aujourd’hui, notre société a évolué officiellement sur ces sujets car le terme de « race » ne fait plus référence à des différences biologiques mais à des catégories sociales. Les Noirs, les Blancs, les Maghrébins, les Asiatiques, sont des « catégories raciales » au sens sociologique du terme car elles nous permettent de décrire des phénomènes de société.

Mais donc, qui est Noir ? Qui est Blanc ?

Considérations Physiques

Pour répondre à cette question, je citerais la réponse de Pap Ndiaye, « Est Noir celui qui est considéré comme tel » (La condition noire, 2008). Est Blanc celui qui est perçu comme tel. Car en réalité, la perception de l’autre est fondamentale dans les conséquences que cette catégorisation implique dans notre vie.

Il y a évidemment des considérations physiques. Un Noir est une personne ayant des origines proches ou lointaines avec l’Afrique sub-saharienne. Un métis, même très clair, sera toujours considéré par les autres comme étant Noir. Des métisses très clairs peuvent aussi, volontairement ou non, se faire passer pour des Blancs, c’est le White Passing.

La nature des cheveux, la forme du nez, le degré de mélanine dans la peau, toutes ces données nous influencent quand nous regardons quelqu’un. Nez épaté, cheveux crépus, couleur de peau foncée, c’est un.e Noir.e ; Nez fin, cheveux lisses et blonds, couleur de peau très claire, c’est un Blanc. Entre ces deux phénotypes, vous avez toutes les nuances possibles et imaginables.

Un Noir très clair peut passer pour Blanc, un Blanc très foncé peut passer pour Noir. Un Noir albinos ? La forme de son nez me dira si c’est un albinos africain ou un albinos européen. (pour en savoir plus, lire « Qu’est-ce qu’un Noir ? », Thèse de Doctorat R. KA, pp. 147-157)

Considérations psychologiques

Psychologiquement, vous avez le droit de vous percevoir comme appartenant à l’un ou à l’autre. Une personne métisse peut se voir comme blanche aussi bien qu’elle peut se voir comme noire. Une personne noire foncée de peau, a le droit de ne pas se reconnaître dans la catégorie Noirs.

Mais être catégorisé comme Blanc ou Noir n’implique pas la même chose. En France ou en Occident en général, les Blancs sont majoritaires. Ils se pensent donc comme étant « la norme ». Les Blancs jouissent de privilèges dont ils n’ont pas conscience. Quand vous êtes Blancs, vous pouvez aller à peu près où vous voulez, fréquenter les lieux que vous voulez, habiter où vous voulez si vos moyens financiers vous le permettent, aller en vacances où vous voulez. Vous n’avez jamais à parler au nom des autres Blancs car vous ne les représentez pas. Vous n’appréhendez pas un contrôle de police car votre vie n’est pas en danger à ce moment-là.

Quand vous êtes Noir en France, vous savez qu’à votre groupe sont associés des stéréotypes et des préjugés négatifs. C’est à dire des croyances sur vos traits de personnalité, vos compétences, vos moeurs. Même si vous ne vous sentez pas Noir, comme vous savez que l’autre vous perçoit comme tel, cela influencera votre comportement. Vous ne pouvez pas décider d’habiter où vous voulez, car soit votre dossier sera rejeté (discrimination), soit vous n’allez même pas tenter de faire votre demande de logement pour ce quartier-là (auto-censure).

En tant que Noir, vous savez que vous ne pouvez pas aller en vacances n’importe où dans le monde, il y a des pays très racistes et vous risquez d’être agressés. Vous ne pouvez pas entrer dans tous les endroits, toutes les boîtes de nuits, les tous les restaurants, car vous risquez d’être mal reçus dans certains ou carrément de ne pas être autorisés à entrer dans d’autres.

En tant que Noir, on attend de vous d’être irréprochable car au moindre faux pas, c’est tous les Noirs qui seront mal perçus.

En tant que Noir, surtout si vous êtes un jeune homme, vous avez peur au vu de la police. Vous avez 20 fois plus de chances qu’un jeune homme Blanc d’être contrôlé, de subir une garde à vue, d’aller en prison, de mourir.

Considérations économiques et sociales

Noirs et Blancs diffèrent physiquement. Noirs et Blancs diffèrent psychologiquement. Noirs et Blancs diffèrent économiquement et socialement.

Economiquement car les théories racistes au départ avaient des objectifs purement mercantiles. La période de l’esclavage transatlantique avait pour objectif d’enrichir les grandes puissances européennes en faisant travailler gratuitement des générations d’hommes et de femmes tout droit arrachés d’Afrique, pendant 400 ans.

Ces différences économiques se répercutent jusque aujourd’hui. Car l’héritage patrimonial se transmet de générations en générations. L’accès à l’emploi, aux prêts bancaires, à la propriété etc. est aussi influencé par le racisme et les discriminations, en plus du poids de l’Histoire. Il en résulte une population blanche économiquement plus avantagée que la population noire qui vit en Occident (Europe et Amériques).

Socialement aussi. L’accès à l’éducation, aux postes à hautes responsabilités et prestigieux, à l’ascension sociale, aux quartiers favorisés. Tout est influencé par ces distinctions raciales de départ. Attention, je ne dis pas que tous les Blancs sont riches et privilégiés et que tous les Noirs ne le sont pas. Il y a des Blancs pauvres aussi comme il peut y avoir des Noirs riches.

Mais quand on regarde l’échiquier racial/social ; les Noirs sont beaucoup plus souvent dans la case « pauvres et de catégorie sociale défavorisée » que les Blancs. Il y a donc de réelles conséquences à ces catégorisations raciales et sociales.

Pour finir, je dirais que l’important sur ces sujets, c’est de s’informer et de savoir que des différences existent, qu’elles sont systémiques (c’est tout le système actuel qui a été construit ainsi) et que pour les changer, il faut que chacun d’entre nous fasse un travail de déconstruction.

Soyons vigilants et bienveillants les uns avec les autres, car nous sommes tous héritiers d’un système que nous n’avons pas construit.

Pour aller plus loin :

D. Fassin et E. Fassin, « De la question sociale à la question raciale » (Ed. La découverte, 2009)

Kiffe ta race, épisode 27, « Check tes privilèges blancs » avec Eric Fassin

Robin DIANGELO, « White fragility – Why it’s so hard for white people to talk about race » (Beacon Press, 2018).

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